sábado, 1 de dezembro de 2012



— Souvent, me dit-il, en parlant de ses lectures, j’ai accompli de délicieux voyages, embarqué sur un mot dans les abîmes du passé, comme l’insecte qui flotte au gré d’un fleuve sur quelque brin d’herbe. Parti de la Grèce, j’arrivais à Rome et traversais l’étendue des âges modernes. Quel beau livre ne composerait-on pas en racontant la vie et les aventures d’un mot? Sans doute il a reçu diverses impressions des événements auxquels il a servi ; selon les lieux il a réveillé des idées différentes; mais n’est-il pas plus grand encore à considérer sous le triple aspect de l’âme, du corps et du mouvement? A le regarder, abstraction faite de ses fonctions, de ses effets et de ses actes, n’y a-t-il pas de quoi tomber dans un océan de réflexions? La plupart des mots ne sont-ils pas teints de l’idée qu’ils représentent extérieurement? À quel génie sont-ils dus! S’il faut une grande intelligence pour créer un mot, quel âge a donc la parole humaine? L’assemblage des lettres, leurs formes, la figure qu’elles donnent à un mot, dessinent exactement, suivant le caractère de chaque peuple, des êtres inconnus dont le souvenir est en nous.

Honoré de Balzac, Louis Lambert

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